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Jean-Marc débarque

Le gars s’appelait Jean-Marc. Sur son ordinateur portable, il travaillait à l’élaboration d’un projet d’atelier de réparation communautaire. Quand Cécile et Odile arrivèrent à sa table, il dit :

− C’est peut-être pas un adon que vous vous retrouviez à ma table.


− En tout cas, c’en est pas un que l’une de nous deux est en fauteuil roulant, répondit Cécile sans sourire.


− Bonjour! Je m’appelle Odile. Elle, c’est Cécile. Elle a l’air bin bête comme ça, mais elle est pas méchante. Faut apprendre à la connaître.


− Cool. Moi c’est Jean-Marc. JM pour faire plus court. Excuse-moi, Odile, d’avoir pris la table. Il y en avait pas d’autres.


− Ça va. Je comprends ça. L’important c’est que t’étais prêt à partager.


− Je suis toujours prêt à partager. En fait, je travaillais justement à un projet d’atelier de réparation communautaire où les membres partageraient les outils sur place pour faire leurs réparations gratuitement en échange de temps.

Ce projet avait piqué l’attention de Cécile, qui s’ennuyait de l’atelier dans lequel elle avait passé de nombreuses heures dans sa tendre enfance à observer son père fabriquer ou réparer quelque pièce d’équipement, ou traficoter une concoction douteuse pour venir à bout d’un horrible nuisible.

− Les membres paieraient comment? Combien? demanda-t-elle.

− Une cotisation annuelle. Je sais pas trop combien. Faut que je me trouve quelqu’un qui se débrouille bien avec les chiffres. C’est pas mon fort. Moi, je suis un gars d’idées et d’action. Les détails, pas tant.

− Moi aussi, je suis un peu comme ça, répondit Cécile. Odile, par contre…

− Bah, pas tant que ça.

− Oh oui tant que ça. Tu devrais la voir faire l’épicerie, dit-elle à Jean-Marc. Elle a sa liste basée sur les aubaines de la semaine. Elle sait au dollar près combien ça va lui coûter au bout du compte. Elle est comme ça dans tout. Elle a une liste de souhaits avec des dates de réalisation basées sur ses revenus fixes. C’est malade.

Odile sourit malaisément. Elle n’appréciait pas cet aspect de sa personne qui la démarquait de la plupart des gens de son âge.

− Moi aussi j’ai un projet, ajouta Cécile. J’ai une cousine qui a ouvert une boutique de vêtements de seconde main à Sainte-Rose. Je ne suis plus très en contact avec elle, mais nous sommes Metamies et elle affiche constamment. J’ai pas pu faire autrement que de la remarquer.

− Metamies?

− Oui. Amies sur Meta. Quand Le Livre des visages a changé de nom, j’ai inventé ce mot.

− Le livre des visages… Jean-Marc regardait Odile avec admiration.

− Elle est comme ça, ajouta Odile. Elle a une facilité hors du commun à jouer avec les mots.

− C’est bon ça, répondit Jean-Marc. J’ai justement besoin d’un nom accrocheur pour ma coop.

− Justement, ma cousine a appelé son entreprise L’Armoire de l’espoir.

− Ça rime, mais pourquoi l’espoir?

− Parce que c’est une entreprise à but non lucratif pour aider les gens à se sortir de la pauvreté. Elle fait zéro profit. Tout l’argent qu’elle fait en vendant ses vêtements sert à payer ses frais d’exploitation et à subventionner des initiatives de soutien communautaire.

− C’est bon. L’atelier de l’espoir…

− C’est pas le même concept! rétorqua Cécile quelque peu irritée.

− Un peu oui, répondit Jean-Marc. Quand j’ai dit que les gens donneraient de leur temps, c’était pour réparer des choses pour des gens qui n’ont pas les moyens de faire réparer les leurs, mais on pourrait très bien accepter des dons d’objets à réparer qui pourraient être redonnés à des personnes dans le besoin.

− C’est pas une mauvaise idée, répondit Odile. J’en ai, moi, des choses à réparer que j’ai mises de côté en attendant d’avoir assez d’argent. Il y en a que j’ai oublié tellement ça fait longtemps qu’elles attendent.

− Mais t’es pas pauvre, rétorqua Cécile.

− Non, mais j’ai pas des gros moyens non plus. Je pourrais peut-être donner de mon temps pour administrer le projet vu que je peux rien réparer.

− RéparACTION – Atelier communautaire, lança Cécile.

− Wow! s’exclama Jean-Marc. Sérendipité. Je me suis trouvé deux associées sans chercher.

− Pas mal, répondit Cécile. Mais je doute que nous allons trouver un endroit de la même façon. As-tu commencé à chercher?

− Un peu, répondit Jean-Marc. Va falloir s’éloigner un peu du centre. Ici, c’est trop cher.

Odile proposa d’aller faire un tour dans le voisinage. Dans le local attenant au café, on préparait l’ouverture d’une boutique de vente de cannabis.

− En plein ce qu’on a besoin pour mettre fin à la pauvreté! lança Cécile à très haute voix. Ça aurait fait un bon endroit.

− Trop petit, et probablement trop cher aussi, répondit Jean-Marc, qui pressa le pas pour aller rejoindre Odile, déjà loin.

Au bout de quelques minutes, ils s’arrêtèrent devant une affiche « À louer », placée dans la vitrine d’un grand local situé en diagonale du local de la Légion, où une dizaine de vieux jouaient aux cartes ou jasaient autour de petites tables rondes.

− Je parie qu’il y a plein de légionnaires qui seraient prêts à se joindre à l’ACTION.
 

***

Le but de cette chronique est de vous faire découvrir ce qui se passe derrière la porte de différentes personnes handicapées et de vous appeler à l’ouverture et à la solidarité. Cécile frappe à votre porte pour vous inviter à commenter ou à témoigner de vos expériences de vie en tant que personne handicapée ou non. Allez-vous ouvrir?

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